Lundi 9 mars. C’est le vrai départ à Fairbanks. La température descend à moins 30 C.
Je suis aussi énervée que les chiens et j’ai aussi hâte de partir qu’eux. J’essaie de rester sur le tapis de ralentissement mais cela ne semble pas faire effet. Les 16 chiens s’en donnent à cœur joie. Ils sont tout heureux d’être 16 ensembles pour la première fois de la saison. Ils apprécient aussi de courir avec les autres équipes.
Je suis partie avec Mr. X et Morrison en tête, Feist et Beaver en pointe, ensuite : Beige et Éole, Eagle et Olive, Devil et Cheyenne, Baïkal et Émeraude, Carmack et Doulik et en barre vers le traîneau Elim et Echo.
Peu de temps après le départ, nous ne faisons plus qu’un avec nos chiens. Plus rien d’autre n’existe et nous vivons l’instant présent d’une façon extrêmement intense. C’est difficile à décrire, cette sensation d’exister vraiment. C’est très agréable et c’est pourquoi les mushers participent à ces courses année après année.
La première étape jusqu’à Nenana, 96 km, se déroule sur la rivière Tanana. Je mets un peu moins de 6 heures. C’est un peu trop rapide pour mes chiens. Je prends quelques heures de repos.
La deuxième étape jusqu’à Manley Hot Spring, 145 km, se déroule de nuit. La température descend encore de quelques degrés. Nous quittons la rivière pour prendre un sentier de trappeur assez étroit. Cela ne facilite pas les dépassements car nous sommes encore en peloton. Les aurores boréales dansent devant nous. Je fais une pause pour donner une soupe aux chiens.
J’arrive vers 9h30 à Manley Hot spring.
Les premiers 240 km en moins de 24 heures! Je m’occupe des chiens. Je décide de déposer Feist. Elle n’est pas dans le coup depuis que nous sommes partis de la maison. Elle semble très fatiguée et ne mange pas bien. Je vais me reposer et je reste endormie. Quand je reviens pour mettre les bottes aux chiens, je m’aperçois qu’Émeraude boîte. Je ne vois rien de spécial, mais la vétérinaire me conseille de la débarquer. Elle a une crampe et c’est mieux si elle s’hydrate convenablement et se repose.
L’étape pour Tanana, 106 km, se déroule principalement de nuit. Il fait froid, et je ne traîne pas trop. J’arrive vers 2h du matin. Après l’inspection avec les vétérinaires, je décide de laisser ici Baïkal qui a les épaules douloureuses et Olive qui est fatiguée car l’étape suivante est longue. Il vaudrait mieux ne pas avoir à transporter un chien dans le traîneau. J’aime bien Tanana ainsi que tous les points de contrôle qui sont dans les villages Autochtones. Les gens sont d’une gentillesse incroyable. Pour moi, ces villages sont l’âme de la course.
Après quelques heures de repos, nous voilà repartis avec 12 chiens pour une longue étape de 190 km. Le parcours se déroule sur le fleuve Yuko. Les chiens ont ralenti l’allure. La première partie se déroule de jour. Je fais un arrêt dans l’après-midi pour donner la soupe. En fin de journée, le vent se lève. La piste zigzague d’un côté à l’autre de la rivière. Je me cherche un endroit à l’abri pour faire une longue pause. Finalement, je m’installe à un endroit très bien protégé du vent. Le soir tombe. Les aurores boréales sont magnifiques.
. Pendant que les chiens se reposent et digèrent, plusieurs équipes passent. C’est l’étape la plus longue, nouvelle pour moi et j’ai oublié d’enclencher le GPS. Heureusement, les points de contrôle sont enregistrés. Je peux juste me rendre compte qu’il y a encore une tirée jusqu’à Ruby.
Après 6 h de repos, nous repartons. Le vent souffle de plus belle. Nous passons devant une cabane où beaucoup d’attelages sont arrêtés.
Je continue. Le jour se lève et le froid devient de plus en plus mordant. Beige est découragé. Je dois l’embarquer dans le traîneau. Soudainement, à l’horizon, je vois un gros rouleau blanc qui avance sur la rivière qui est maintenant très large. Je me rassure en me disant que la piste ne doit pas aller par là. Elle va tourner avant de s’engouffrer dans ce blizzard. Non, nous allons en plein dedans. Je m’angoisse en plus de devoir me protéger du vent qui essaie de me pincer et de me mordre. Si Mr. X s’arrête ou fait demi-tour, je suis foutue. Les balises ont disparu à cause des bourrasques de vent. Les autres coureurs peuvent passer à 3 m de moi et je ne les verrai pas. Mr. X continue à avancer et n’a qu’une idée en tête, c’est de traverser ce rouleau le plus vite possible. Les chiens enfoncent à tout moment dans de profondes congères. Cela prend une ou deux heures avant que les conditions s’améliorent. Merci Mr. X, tu es vraiment formidable.
Nous finissons par arriver à Ruby, après une étape de plus de 24 heures. Je décide de faire mon 24 heures d’arrêt obligatoire ici. Il fait une cramine épouvantable mais le froid va durer encore quelques jours. D’après les vétérinaires, Beige est en pleine forme. J’espère donc le prendre pour la suite. Par contre, Devil a mal à une épaule et un début d’engelure au pénis. Je le masse avec un onguent. Toutes les 6 heures, je viens soigner les chiens. Je les promène pour éviter qu’ils s’engourdissent. J’aime bien Ruby. C’est aussi un village Autochtone. Les habitants nous servent de la soupe d’orignal et de délicieux gâteaux maison.
Quand on est vétéran, il y a quelques petits avantages, comme celui de connaître Mark, le sympathique bénévole qui est responsable du point de contrôle de Ruby et de Kaltag.
Avant de repartir, je rappelle le vétérinaire pour qu’il contrôle à nouveau Beige et Devil.
Devil est encore un peu enflé vers l’épaule. Je préfère le laisser ici.
Le vétérinaire me confirme que Beige est en forme. De plus, il a bien dormi et bien mangé.
Je quitte Ruby avec 11 chiens. Le départ est lent car les chiens se soulagent chacun leur tour… Nous avons à peine fait 2 km, que Beige décide de s’arrêter. Je fais demi-tour et je vais le déposer au point de contrôle.
Je repars donc de Ruby avec 10 chiens. Nous voyageons sur le fleuve Yukon. C’est large et plat. Les difficultés sont le vent et le froid. Normalement, je m’habitue, mais il me semble qu’il fait de plus en plus froid.
Mr. X et Morrison sont tout heureux d’arriver en territoire connu. L’étape n’est pas trop longue, 80 km.
À Galena, le point de contrôle se trouve dans un genre de caserne. C’est très fonctionnel. D’ailleurs la plupart des mushers y font leur 24 heures d’arrêt. Personnellement, je préfère l’accueil et l’âme des villages Autochtones.
Je me sens un peu comme mes chiens. Il me semble que j’étais là il y a très peu de temps.
Doulik a un poignet enflé et douloureux. Je la laisse ici pour éviter que cela empire.
Je repars vers 3h30 du matin. La température est autour de – 40 C. Impossible de me réchauffer. Je gèle de plus en plus. Je cherche machinalement ma parka. Je constate que je l’ai sur le dos, toute fermeture éclair bien fermée. Je voyage avec d’autres équipes, mais je dois vite constater qu’avec seulement 9 chiens, je ne peux pas aller à la même vitesse que les attelages de 14 à 16 chiens. Il va falloir que je voyage à mon propre rythme.
Il reste encore 950 km jusqu’à Nome. Je n’aime mieux pas y penser. Si ça continue comme ça, si je finis, je n’aurai plus que 6 chiens. Je décide d’aller d’un point de contrôle à l’autre en appréciant chaque instant de cette aventure.
Nous traversons des marécages vers 5h du matin. Quand je donne le snack aux chiens, je suis tellement gelée que je sors mon thermomètre : - 52 C…
Heureusement, à mi-parcours, il y a une cabane. Plusieurs mushers y sont déjà arrêtés. J’y fais ma pause.
Pendant la journée, la température remonte vers – 40 C.
Depuis que nous sommes partis de Fairbanks, nous avons eu droit à de splendides levers et couchers de soleil, sans parler des aurores boréales. J’ai mon appareil photo, mais il fait la grève à cause du froid.
L’étape, d’après les indications que nous avons reçues, serait de 135 km. Je regarde mon GPS. Encore une quinzaine de km, soit 150 km. Le soleil se couche. Le ciel se pare de merveilleuses teintes.
J’arrive à Huslia vers 20h30. C’est vraiment spécial et émotif pour un musher d’arriver en traîneau à chiens à Huslia. C’est le village natal du célèbre musher, champion, Georges Atla. Il est décédé au mois de février dernier. Il a créé un centre de traîneau à chiens dans son village pour motiver les jeunes Autochtones à devenir musher. Cela peut être très important pour ces jeunes d’avoir une activité passionnante. Ils peuvent ainsi s’éloigner de l’alcool et de la drogue, ainsi que des idées de suicide. Je trouve l’idée excellente et je pense sérieusement créer ce genre de centre ici au Canada quand je serai à la retraite. Huslia et les autres villages de la région sont aussi le berceau du traîneau à chiens. Les Autochtones utilisaient les chiens de traîneau comme moyen de transport mais ils organisaient aussi des courses entre villages. Leur lignée de chiens qu’on appelle ‘’Indian dog’’ sont toujours parmi les meilleurs. Ils sont à l’origine du husky d’Alaska.
Les gens sont incroyablement sympathiques. Quand j’arrive, j’ai la face couverte de givre. Un monsieur s’approche pour enlever les glaçons que j’ai autour du visage.
Un responsable du point de contrôle vient aviser les mushers qu’il y a une annonce de froid intense en vigueur pour la nuit prochaine jusqu’à 10h du matin. Sur les étangs, cela pourrait descendre à – 55 C.
C’est parfait. Je suis morte de fatigue, en plus l’endroit est vraiment sympathique. Je vais passer la nuit ici au lieu d’aller geler les poumons de mes chiens ainsi que mes doigts. J’ai déjà un doigt de pied et trois doigts de la main droite qui ne répondent plus. Ce n’est pas grave. Ils ne me font pas mal et ils sont encore un peu de couleur et je suis gauchère. Cela va juste être une bizarre sensation pendant quelques mois.
Plusieurs femmes viennent parler avec moi, peut-être, grâce à mes cheveux blancs. Elles m’invitent à aller dormir dans la maison des ‘’Aînés » où j’ai droit à un matelas.
Je suis contente d’être là. Quoiqu’il arrive, j’aurai au moins passé dans ce village mythique. Tous les gens nous avisent que nous avons fait la moitié du parcours. C’est déjà un beau contrat avec ces températures.
Je fais la connaissance de Jacques Philippe, un célèbre musher Français expatrié depuis longtemps en Alaska et plusieurs fois vétéran de l’Iditarod. Cela fait longtemps que j’en entends parler. C’est donc très sympathique de le rencontrer. Il suit l’équipe à Isabelle Travadon, la musheuse Française qui participe aussi à la course.
Certains chiens ont la diarrhée. Cela ne me paraît pas grave, mais à cause de la déshydratation. J’aime mieux les traiter le plus vite possible.
Je repars vers les 10h30. La température est en train de remonter. Elle va atteindre – 30 C, mais le vent se lève.
L’étape est longue, pareille à celle d’avant m’a dit un trappeur, soit environ 150 km. Pour mon attelage de 9 chiens, la cabane à 100 km est trop loin. Je m’arrête après 6 heures de route vers Brian Wilmhurst et Rob Cooke qui sont en train de bivouaquer. Il fait moins froid.
Quand j’arrive à à Koyukuk, il commence à neiger. Je ne veux pas m’arrêter trop longtemps car Le prochain point de contrôle est Nulato, à 35 km. C’est mon point de contrôle préféré.
Je rentre quand même dans le point de contrôle de Koyukuk. Je m’assieds un moment sur une chaise quand soudainement une femme m’attrape par le bras. ‘’Hey, tu t’endors!!’’
J’ai encore dormi trop longtemps...
À Nulato, mes 9 chiens sont toujours en forme. Tout le long de la course, j’ai le loisir d’admirer mes nouveaux coéquipiers : Éole, Elim, Eagle et Echo, la progéniture à Mr. X. Ils auront 3 ans au mois de mai. Ils sont vraiment extraordinaires comme leur père. Eagle s’arrête après 6h pile. J’en profite pour faire au moins une petite pause. Au moindre encouragement, il repart de plus belle. Quant à son frère Elim, il a tiré comme un bœuf tout le long, de Fairbanks à Nome. J’ai dû le laisser à la position de barre, vers le traîneau, c’est là qu’il y faut de la force. Il a la déplorable habitude de manger les cordes. J’ai installé un câble uniquement à cette position. Les deux sœurs, Echo et Éole n’ont jamais eu le trait détendu. Ils ont tous mangé comme des goinfres, une qualité indispensable pour un chien de longue distance qui doit ingurgiter 10'000 calories par 24 heures pendant la course.
À Nulato, je m’arrête environ 3h30. Je sais que c’est une erreur car il neige et la piste va être difficile à trouver sur le fleuve, mais c’est mon point de contrôle préféré : Une dame vient me servir un gros bol de soupe d’orignal.
Les gens sont sympathiques, prévenants. Ils ont fait l’effort de nettoyer après le passage du gros peloton de mushers. Il faut reconnaître qu’en général les mushers sont très sales. Ils ne ramassent rien, arrivent parfois les godasses pleines de merdes de chiens, renversent leur soupe par terre, etc. Ils ne se soucient pas le moins du monde que les suivants vont devoir installer leur sac de couchage là au travers…
J’admire donc les gens de Nulato qui tiennent le point de contrôle le plus propre de la course. Merci!
Je pars de Nulato vers 16h30. Il vente et il neige. La piste est passable jusqu’à mi-parcours. La nuit tombe. La deuxième partie devient un exercice d’orientation et de survie. Cela prend quelques secondes pour sortir de la trace et ne plus voir de balise. En tournant la tête dans tous les sens, on peut aussi bien faire demi-tour sans s’en rendre compte en apercevant une balise dans le faisceau de la lampe. Je vérifie souvent mon orientation. Les chiens enfoncent dans les congères, mais ils ne se découragent pas. Nous sommes encore très loin de Kaltag, mais nous apercevons une lumière. Les chiens accélèrent. À l’entrée du village, il n’y a plus aucune trace et des balises un peu partout. Évidemment, je ne rentre pas par la bonne piste. Heureusement, ce n’est pas grand et je suis déjà venue. Je finis pas retrouver la salle communautaire où se trouve le point de contrôle. Nous recevons l’accueil chaleureux de Mark, le responsable du point de contrôle.
L’étape jusqu’à Unalakleet, premier point de contrôle sur la Côte, comme ils disent (Mer de Béring), est longue, 140 km .
Comme je n’ai que 9 chiens, je n’arrive pas à aller d’une traite jusqu’à la deuxième cabane, où tout le monde s’arrête. Je fais 2 arrêts un peu plus courts au lieu d’un long. Les 20 derniers kilomètres sont sur la glace.
Nous voilà donc sur la Côte, la Costa Brava, comme je la surnomme dans ma tête. J’en suis très heureuse. Je ne suis plus qu’à 420 km de Nome. Plus qu’à… s’il n’y a pas de blizzard, de chiens blessés ou autre.
Les chiens sont en forme. Un peu de massage pour les muscles. Les diarrhées sont sous contrôle.
Unalakleet, c’est le meilleur point de contrôle pour se reposer car il y a de vrais lits… Je n’ai pas l’intention de dépasser 6 heures quand le responsable nous avise qu’il y a une tempête sur le Norton Sound (Les 80 km de banquises que nous devons traverser entre Shaktoolik et Koyuk). 20 concurrents sont coincés à Shaktoolik. Il faut savoir que le point de contrôle de Shaktoolik est en plein vent. Il n’y a que peu de place. À peine pour 10 attelages. À l’intérieur, c’est aussi minuscule avec une extraordinaire chiotte qui ressemble au trône de la reine Elizabeth. Elle prend un tiers de la pièce et embaume les deux autres tiers. Il faut que je retourne car j’ai oublié de faire une photo. À cela tu rajoutes 20 mushers…
Bref, pour moi, Unalakleet me paraît être le paradis pour attendre la fin de la tempête. Ce n’est pas l’avis de plusieurs concurrentes qui décident de partir malgré tout. Il faut dire qu’il ne fait pas un souffle de vent ici à Unalakleet.
En après-midi, le responsable m’annonce que le vent a diminué et que je peux partir. Finalement, je quitte Unalakleet vers 17h30.
Shaktoolik se trouve de l’autre côté de la baie. Il faut d’abord gravir une montagne. J’arrive à la cabane de survie. Il n’y a pas de vent. Je continue et j’entame la descente. Quand j’arrive sur l’océan, c’est terrible. Je ne vois aucune balise. Mr. X devine la trace. Je suis inquiète. Les bourrasques de vent sont terribles et en pleine face. C’est difficile pour les chiens. J’admire Mr. X et tout le progrès qu’il a fait grâce à la course de l’an passé où nous avions aussi goûté quelques blizzards. Les traces deviennent de plus en plus aléatoires, mais je n’ai vraiment pas envie de m’arrêter ici. Mr. X non plus. Il est très concentré. À un moment donné, j’aperçois enfin une balise sur la gauche. Mr. X ne veut pas y aller. J’insiste, surprise, car d’habitude quand je montre une balise dans le faisceau de la lampe, il s’y précipite. Il se résigne à m’obéir. La balise est au milieu de nulle part. En plus nous venons de perdre la trace. J’arrête l’attelage et vais à pied à sa recherche. Je marche 5 minutes. Non seulement, je ne retrouve pas le semblant de piste, mais je viens de perdre aussi l’attelage. Ils sont couchés quelque part sur cette glace, mais je ne les vois plus et mes pas ont déjà disparu. Ils ont leur manteau. Cela camoufle les réflecteurs des harnais. Heureusement, mon amie Nicole leur avait acheté des colliers avec réflecteurs. Grâce à eux, je rejoins les chiens. Je me précipite sur mon GPS que j’avais laissé dans le traîneau. Je marque l’endroit et repars à la recherche d’une trace. D’abord, je me rends compte qu’en allant à cette balise, nous avons fait demi-tour car nous avons le vent dans le dos. La direction de Shaktoolik, c’est le vent en pleine face!
Je cherche pendant une heure pour finalement retrouver la trace. Ouf! Nous repartons. Je m’excuse auprès de Mr. X. Je les ai fait poireauter sur la glace, en plein vent. Une heure plus tard, nous voyons une lumière dans le lointain. Encore une vingtaine de kilomètres avant d’arriver. Vers 3h20 du matin, nous rentrons dans le point de contrôle. Je suis accueillie à bras ouverts car les bénévoles du point de contrôle commençaient à se faire du souci. Il faut dire qu’ils voient nos arrêts grâce à la balise. Ils devaient s’inquiéter de voir mon traîneau arrêté sur la banquise au milieu de rien du tout avec ce temps de c…
Le vent s’est calmé quand je repars de Shaktoolik, vers 10h30.
Malgré la tempête des jours précédents, les balises sont toujours en place. Je suis rassurée car c’est le Norton Sound, la traversée de la banquise. Une étape de 80 km. Les traces sont visibles mais il y a énormément de congères. Les chiens enfoncent jusqu’au ventre ou ils essaient de les contourner. À 9 chiens, cela me ralentit considérablement.
Mr. X a le nez à terre, en train de suivre des traces de chiens. Moi, j’ai le nez en l’air, je contemple l’immensité des lieux quand je constate que nous nous éloignons des balises. Mr. X rechigne de nouveau, mais cette fois, c’est moi qui ai raison. Nous retrouvons la piste principale. Je ne vois aucune trace qui revient. Je me demande ou sont allés ces attelages. J’apprendrai plus tard que deux mushers se sont perdus. Ils ont dû actionner leur balise de secours et abandonner la course.
L’an passé, j’avais regretté de faire cette étape de nuit. Je suis donc très contente de voir le paysage qui est impressionnant.
Après 6 heures, je me rends compte que je ne suis qu’à la moitié du trajet. Je fais une pause, comme me le demande Eagle.
Après quelques heures de repos, nous repartons.
Les corbeaux ont l’habitude de suivre la course car ils trouvent beaucoup de nourriture. Ils sont à la recherche des snacks laissés par les chiens. Certains mushers n’ont pas de gamelle. Ils jettent de la nourriture au milieu de la piste. Il en reste des quantités impressionnantes. Tous les kilomètres, nous arrivons dans ces tas de nourriture.
Le corbeau que j’observe au loin me paraît très grand. Quand je me rapproche, j’ai le bonheur de voir un grand loup gris qui s’en va furtivement lorsqu’il m’aperçoit.
La nuit est tombée lorsqu’un attelage me dépasse. C’est Isabelle Travadon avec son magnifique attelage d’huskies sibériens.
Nous avons encore la chance d’admirer un magnifique spectacle d’aurores boréales.
J’arrive à Koyuk à 22h40. Les chiens sont en forme. Ils mangent bien. Le problème, c’est moi. J’ai la grippe, une monstre diarrhée et de la fièvre. En plus, en souvenir de l’an passé, je m’angoisse pour l’étape suivante.
Après quelques heures de repos, je décide de repartir. J’ai pris les pilules contre la diarrhée que le vétérinaire m’a données pour Beaver. Cela semble très efficace autant pour moi que pour lui.
Tout se déroule bien pendant cette étape, contrairement à l’an passé où je m’étais fait prendre dans un blizzard. Les chiens savent exactement où ils sont. C’est très agréable. La grimpée au village se déroule bien. Je peux même admirer la vue sur la baie depuis les hauteurs.
J’aime beaucoup Elim car il y a de la forêt aux alentours. J’arrive vers 16h00. Je suis bien accueillie au point de contrôle car la responsable se souvient de moi. L’an passé, j’étais arrivée très découragée et elle et son équipe m’avaient motivée pour repartir.
Mes 9 coéquipiers sont toujours en forme. Ils ont pris un petit rythme relaxe. Je repars vers 23h d’Elim. L’étape est sur la mer jusqu’à Golovin. Je suis chanceuse, la piste est bonne. La météo aussi. Nous faisons la pause à Golovin.
Nous arrivons vers 7h30 du matin à White Mountains. Il y a un 8h obligatoire. C’est bien pour ma grippe. Comme l’an passé, les mushers doivent remplir un petit pot avec leur urine pour le contrôle anti-dopage.
Nous repartons vers 16h30 de White Mountains. L’année dernière, c’était la pire étape. D’abord, les montées dans la montagne étaient difficiles. Lisbet et Monika m’avaient facilement dépassé. Je les voyais galoper à côté de leur traîneau et pousser avec leur bâton énergiquement et efficacement. Cela me faisait sentir le poids des ans. J’avais l’impression de rester sur place. Une fois sur la côte, je suis arrivée dans une terrible tempête de vent. Je ne savais plus où j’étais. Cela tourbillonnait dans tous les sens. Heureusement que Mr. X sentait encore les traces de Lisbet et Monica. Nous avions fini par les rejoindre.
Cette année, c’est bien différent. La piste est bonne car il y a eu une course de motoneige dans le secteur. Les montées se font aisément grâce à Elim et Eagle, mes deux costauds, motivés par Mr. X, Morrison, Cheyenne, Carmack, Beaver, mes vétérans qui connaissent la piste.
Nous arrivons au sommet, c’est magnifique. Le soleil se couche. La visibilité est si bonne que je vois jusqu’à l’océan. Aucun rouleau blanc à l’horizon. Même la descente est plus facile que l’an passé. Les motoneiges ont dû raser quelques buissons. Il me semble qu’il y a moins de contours.
Sur la côte, les couleurs du soleil couchant se reflètent sur la glace. Les chiens marchent dans l’eau sur une série de marais. Nous faisons un arrêt pour changer les booties.
Lorsque la nuit tombe, les aurores boréales dansent dans le ciel. La côte se montre sous son meilleur jour. L’inverse de l’an passé.
Nous arrivons à Safety à 1h du matin. Je décide de continuer. Je ne sais pas quel jour nous sommes. J’ai pris tellement de pauses que je m’imagine être lundi. Je commence à penser que nous allons finir la course.
À l’arrivée à Nome, nous arrivons sur la rue principale, sans neige. Une voiture de police nous attend. Mr. X n’a pas envie de la suivre, mais sous mes jurons, il y va. Quand nous passons devant les bars de Nome, ouvert toute la nuit pour l’occasion, tous les gens sont sortis en acclamant et en hurlant. Mr. X panique et part se cacher dans un stationnement. Comme il n’y a pas de neige dans la rue, je ne peux pas freiner. Voilà mon attelage entortillé autour d’un camion. Un policier descend du véhicule pour me donner un coup de main et nous finissons par franchir la ligne d’arrivée à 4h30 Dimanche matin. Je suis même à l’heure pour le banquet.
Dans cette aventure, ce que j’aime le plus, c’est l’intense partage avec mon équipe de chiens au milieu de cet environnement incroyable et impitoyable.
Merci Mr. X, Morrison, Echo, Carmack, Cheyenne, Eole, Beaver, Eagle, Elim. Merci aussi aux chiens qui ont participé : Feist, Olive, Baïkal, Beige, Devil, Doulik et Émeraude.
Tous les chiens sont en forme. 14 d'entre eux ont participé à notre expédition de 6 jours début avril. Actuellement,comme moi, ils n'ont qu'une hâte, c'est de repartir.
Merci à mon équipe qui m’a aidé à m’entraîner ou me préparer : Gilles, Jade, Sophie, Sébastien, Thierry et Julien.
Merci à mes sponsors et parrains des chiens.
Merci à toutes les personnes impliquées dans la course : L’organisation, les bénévoles, les vétérinaires, les gens dans les point de contrôle.
Merci à Mike Holland, Pam Aviza et les autres personnes qui m’ont aidée aux départs.
Je remercie Meredith Ahmasuk qui m’a hébergée à Nome. Son père, Harold Ahmasuk est un musher vétéran de l’iditarod. Il est maintenant âgé de plus de 80 ans.
ENGLISH VERSION WILL FOLLOW SOON.